Lutte contre les inondations à N’Djamena : urgence d’agir face à une menace récurrente

Chaque saison des pluies, le même scénario tragique se répète à N’Djamena : des quartiers entiers submergés, des milliers de personnes déplacées, des infrastructures endommagées, et un appel désespéré des populations à l’État pour une intervention durable. Pourtant, face à cette menace désormais structurelle, les réponses tardent à s’inscrire dans la durée. Il est temps d’ouvrir un débat citoyen sur la lutte contre les inondations dans la capitale tchadienne, entre responsabilités partagées, nécessité d’anticipation et solutions innovantes.

Innondation de 2024 à N'Djamena

Une vulnérabilité structurelle aggravée par les changements climatiques

N’Djamena, située dans une zone sahélienne à faible altitude, est naturellement exposée aux inondations. Mais ce risque est aujourd’hui amplifié par les effets du changement climatique, marqués par une intensification des précipitations en période de pluie, combinée à une urbanisation galopante, souvent anarchique.

En 2022, selon les données de la Direction de la Protection Civile, plus de 100 000 personnes avaient été affectées par des inondations, notamment dans les arrondissements 7, 8 et 9. Des quartiers comme Walia, Gardolé, Ambatta ou encore Toukra ont été littéralement engloutis. Ces épisodes ne sont plus de simples catastrophes naturelles. Ils révèlent un échec de la planification urbaine, du suivi environnemental et de la gestion des infrastructures hydrauliques.

Des causes multiples, des responsabilités croisées

La lutte contre les inondations ne peut se résumer à des interventions d’urgence ponctuelles. Plusieurs facteurs aggravants sont à relever :

  • Le manque d’un réseau efficace de drainage : à ce jour, la ville ne dispose que de quelques caniveaux souvent mal entretenus ou obstrués par des ordures.
  • L’absence d’un plan d’aménagement urbain clair : des quartiers entiers sont construits sur des zones marécageuses ou des couloirs naturels de ruissellement.
  • La gestion inadéquate des déchets solides : l’insuffisance de systèmes de collecte pousse les populations à obstruer les canaux avec des déchets.
  • La spéculation foncière et l’habitat spontané : faute de logements sociaux accessibles, les plus démunis s’installent dans des zones à haut risque.

Ces éléments appellent à une responsabilité partagée entre autorités publiques, populations locales, urbanistes, entreprises du BTP et société civile.

Des initiatives louables, mais insuffisantes

Certes, les autorités ont entrepris des actions notables : construction de digues temporaires en sacs de sable, ouverture de canaux de dérivation d’urgence, sensibilisation communautaire à travers les comités de quartier. L’implication de partenaires internationaux, comme la Banque Mondiale ou le PNUD, a également permis la mise en œuvre de quelques projets pilotes, notamment dans le cadre du Programme de résilience urbaine au Sahel.

Mais ces efforts restent insuffisants, fragmentés et sans coordination stratégique. La ville continue de croître sans plan directeur. Chaque saison des pluies apporte son lot de désastres. Le réflexe d’urgence doit céder la place à une logique d’anticipation et d’adaptation.

Vue aérienne de N'Djamena Pendant les Inondation

Vers une stratégie de résilience urbaine durable

Pour répondre efficacement à cette crise, il est urgent d’élaborer une politique intégrée de lutte contre les inondations, articulée autour de plusieurs axes :

  1. Aménagement du territoire : définir une carte des zones inondables et interdire les constructions dans ces zones ; relocaliser les populations à risque avec des solutions dignes et accessibles.
  2. Rehabilitation des infrastructures hydrauliques : curage systématique des caniveaux, construction de bassins de rétention, systèmes de drainage écologiques.
  3. Réforme de la gestion des déchets : mise en place d’un service municipal performant, partenariat avec des initiatives privées et communautaires.
  4. Sensibilisation et engagement communautaire : intégrer les habitants dans la gestion locale des risques à travers des formations, des comités de veille, des campagnes de sensibilisation.
  5. Mobilisation de financements innovants : recourir aux fonds climat, aux partenariats publics-privés, aux innovations technologiques (systèmes de prévision, alertes SMS, etc.).

Et si les citoyens devenaient acteurs du changement ?

Dans ce contexte, les consultations citoyennes, telles que celles engagées récemment par des organisations locales, offrent une opportunité unique : donner la parole aux premiers concernés. Les habitants des quartiers exposés possèdent une connaissance fine du terrain. Leur expertise, souvent ignorée, doit nourrir les politiques publiques.

Des plateformes comme U-Report Tchad ou les comités de veille locale démontrent que la participation communautaire peut être un levier puissant de transformation. Face à une menace récurrente, l’inaction devient un choix politique. La ville mérite mieux. Ses habitants aussi.

Agir maintenant pour prévenir demain

La lutte contre les inondations à N’Djamena ne peut plus attendre. Elle nécessite une approche systémique, inclusive et résolument tournée vers l’avenir. Il ne s’agit plus seulement de construire des digues, mais de bâtir une culture de prévention, d’anticipation et de résilience. Si rien n’est fait, les dégâts matériels, humains et économiques seront de plus en plus lourds. Agir maintenant, c’est sauver des vies demain.