Des tas d’ordures qui s’entassent dans les rues, des eaux usées qui stagnent à ciel ouvert, des marchés jonchés de déchets en décomposition… À N’Djamena, la saleté n’est plus une simple nuisance visuelle : elle est devenue un véritable problème de santé publique, un défi urbain et une menace pour la dignité des citoyens. Pourtant, ce fléau évitable persiste et s’aggrave d’année en année. La lutte contre l’insalubrité dans la capitale tchadienne doit aujourd’hui être considérée comme une priorité nationale.

Une réalité quotidienne insoutenable

Il suffit d’un tour dans les arrondissements de N'Djamena — notamment à Gassi, Dembé, Diguel, ou encore dans les marchés de Milézi et Habena — pour se rendre compte de l’ampleur du problème. Les déchets ménagers sont jetés à même le sol, brûlés à l’air libre, ou déversés dans des caniveaux obstrués. Faute de système structuré de collecte, les populations improvisent des dépotoirs à ciel ouvert, souvent proches des habitations ou des points d’eau.

Cette situation, au-delà du désagrément, engendre de graves conséquences sanitaires : recrudescence du paludisme, prolifération des maladies diarrhéiques, épidémies de choléra ou de typhoïde, sans oublier la pollution de l’air et des nappes phréatiques.

Insalubrité à Chagoua

Les causes profondes d’un mal persistant

La persistance de l’insalubrité à N'Djamena résulte de plusieurs facteurs interconnectés :

  • Absence d’un service municipal de gestion des déchets performant, notamment dans les zones périphériques.
  • Méconnaissance ou négligence des règles d’hygiène par une partie de la population, souvent faute de sensibilisation.
  • Manque d’infrastructures : bacs à ordures insuffisants, inexistence de stations de traitement, peu de points de collecte officiels.
  • Urbanisation rapide et non planifiée, rendant la collecte difficile dans les zones densément peuplées.
  • Faiblesse de la gouvernance locale, entre manque de ressources, coordination inefficace et absence de sanctions contre les pollueurs.

Des initiatives locales à encourager

Malgré ce tableau alarmant, des initiatives citoyennes et associatives émergent et méritent d’être soutenues. Des jeunes engagés, des ONG locales comme U-Report Tchad, Jeunesse Active pour le Développement, ou encore des collectifs de quartier, organisent régulièrement des opérations de salubrité, appelées souvent journées coup de balai.

Ces actions, bien que ponctuelles, prouvent qu’une mobilisation collective est possible, si les conditions sont réunies. Des campagnes de sensibilisation dans les écoles, les marchés et les médias sociaux montrent également un impact positif sur les comportements.

Que fait l’État ? Une volonté qui tarde à se concrétiser

Les autorités municipales, malgré quelques efforts louables, peinent à mettre en œuvre une stratégie cohérente. La mairie centrale manque de matériel, de personnel et surtout d’un plan directeur de gestion des déchets solides urbains. Le partenariat public-privé reste timide, alors qu’il pourrait être un levier majeur.

En 2023, le ministère de l’Environnement avait annoncé un plan d’urgence pour assainir N'Djamena, prévoyant la mise en place de 1 000 bacs à ordures et l’activation d’unités de pré-collecte dans chaque arrondissement. Mais sur le terrain, peu de résultats sont visibles, faute de suivi rigoureux et de mécanismes de redevabilité.

La mairie entrain de travailler

Des pistes pour une ville propre et saine

Face à ce défi, plusieurs solutions concrètes et réalistes peuvent être envisagées :

  1. Renforcer la collecte des déchets par la création d’un système mixte (public-privé-communautaire), incluant les jeunes entrepreneurs du secteur informel.
  2. Installer davantage de points de dépôt contrôlés et assurer leur entretien régulier.
  3. Intégrer l’éducation à l’environnement dans les écoles et les programmes de sensibilisation communautaire.
  4. Lancer une politique de tri sélectif et de valorisation des déchets (compost, recyclage plastique, etc.).
  5. Sanctionner fermement les infractions environnementales tout en accompagnant les populations dans le changement de comportement.
  6. Mobiliser les bailleurs de fonds et partenaires techniques pour soutenir des projets innovants en matière d’assainissement.

N’Djamena mérite mieux...

La propreté d’une ville est le reflet de sa gouvernance, de l'engagement de ses citoyens et de sa vision de l’avenir. N'Djamena ne peut plus continuer à vivre au rythme des ordures. Si rien n’est fait, les coûts sanitaires, sociaux et environnementaux deviendront ingérables. Mais si l’État, les communes, les citoyens, les associations et le secteur privé unissent leurs efforts, la ville peut devenir un exemple d’assainissement urbain au Sahel.

La lutte contre l’insalubrité n’est pas une utopie. C’est une urgence. Et surtout, une responsabilité collective.